J’ai 17 ans. En revenant du lycée, je passe tous les jours devant cette maison et, comme si je me sentais observé, je hâte le pas, systématiquement, mais pas suffisamment.
Toi aussi tu fais la pute avec Alexandre ?
Je me fige et regarde autour de moi. Il n’y a personne.
Au moment où je reprends mon chemin, la porte d’entrée s’entrouvre et je vois uniquement la tête de mon voisin.
C’est un homme dans la cinquantaine, à la peau très rose, en surpoids. Il m’a toujours mis mal à l’aise avec ses petits yeux scrutateurs et son sourire méprisant. Quelque chose me gêne chez lui que je n’arrive pas à définir. Il me semble être quelqu’un de méchant.
Pardon ? Pourquoi me dites vous ça ?
Oh, ne fais pas l’innocent ! Tu crois que je ne t’ai pas vu au Jardin des Plantes avec Alexandre ?
Oui, et alors ?
Alexandre est une petite pute, toi aussi ?
Pourquoi me dites vous cela ? Alexandre est un copain, c’est tout.
Oh ne fait pas ta mijaurée, tu n’es pas le seul pd de la rue. Il y en a eu plein avant toi. Moi, je me suis fait sauter par un voisin de ta grand-mère et, à mon tour, j’ai dépucelé le secrétaire de M. Ressigeac, dans la maison derrière la tienne. Et plus loin, dans la rue, il y a le boucher, une sacrée salope.
Plus il parle, plus sa voix s’accélère. Je le sens en colère et excité.
Mais pourquoi me parlez-vous comme ça ?
Quoi, t’as pas envie envie de te faire dépuceler toi aussi ?
Et la porte s’ouvre en grand, dévoilant le voisin, la braguette ouverte, son sexe en érection dans la main, un machin énorme !
Elle ne te fait pas envie celle-là ?
Je suis interloqué, je réussis à protester mollement, tout fuyant vers la maison.
Espèce de sainte nitouche, allumeur, tu es bien comme cette salope d’Alexandre !
Je ne me retourne pas, je ne réponds pas. Les joues me brûlent, je ressens un mélange de honte et de colère. Honte, car je n’aurais jamais dû m’arrêter ni répondre et colère car je n’ai pas su me défendre.
Je n’ai pas encore réalisé que je viens de subir ma première agression homophobe.
Et j’enfouis cet épisode au plus profond de ma mémoire.
Je ne parlerai à personne de cet épisode et cet odieux personnage continuera à m’interpeler lorsque je passerai devant chez lui, en revenant du lycée. Je m’efforcerai de ne pas réagir afin de sentir sa rage.
*Vit