Keep the Dog Quiet est un morceau qu’il m’est difficile d’écouter en public. C’est un moment magique, un moment de folie douce véritablement jouissif car complètement loufoque. À son écoute, mon corps a des réactions que je ne peux réprimer.
*Simon Bookish remix
1 – Owen Pallett
Owen Pallett est un musicien canadien, violoniste ainsi que chanteur. Sa voix, très douce mais suffisamment puissante sur scène, est reconnaissable immédiatement.
Nous l’avons connu en 2005. Il était en première partie d’un des premiers concerts d’Arcade Fire. Il accompagnait aussi le groupe avec son violon. À l’époque, il se faisait appeler Final Fantasy. Cependant, il a dû vite y renoncer, contraint par les producteurs du jeu du même nom.
Owen Pallett a surtout connu un succès critique mais n’a jamais atteint la renommée de ses camarades d’Arcade Fire. Il faut dire que sa musique n’est pas vraiment faite pour faire bouger et chanter à tue-tête les foules.
D’ailleurs, sa production est devenue un peu sporadique, à part quelques musiques de film et son dernier album Island sorti en 2020, bien plus expérimental.
C’est en 2010, avec son album Heartland qu’il a connu son plus grand succès public.
2 – Heartland
Heartland est un album concept comme l’atteste Wikipedia dans l’article qui lui est consacré : “Les chansons forment un récit qui met en scène un « jeune fermier ultra-violent » nommé Lewis, sous les ordres d’un narrateur tout-puissant nommé Owen.”
J’avoue que je ne me suis pas vraiment penché sur le sujet à l’époque de la sortie de l’album et que j’avais seulement pensé que les paroles étaient bien sibyllines.
Heartland est un album virtuose qui mêle les sons électroniques avec un orchestre. Sa collaboration avec Arcade Fire, notamment sur le génial Funeral, lui a donné la possibilité de soigner la production lors de l’enregistrement et il a pu s’entourer d’un vrai orchestre classique.
Je me souviens avoir été immédiatement séduit par la production et les orchestrations.
Même si j’ai pas mal écouté cet album lors de sa sortie, j’avais un peu oublié l’œuvre d’Owen Pallett. Cependant, un titre est toujours dans ma bibliothèque et je l’écoute encore souvent.

3 – Keep the Dog Quiet – Simon Bookish remix
Keep The Dog Quiet est un titre qui figure dans Heartland. J’avais tout de suite aimé sa structure qui apportait au morceau une sorte de tension, de suspens, les cordes et la flûte ayant une place prépondérante.
La version de l’album avait déjà des effets sur mon corps qui pouvaient passer pour des tics ou un malaise soudain 🙂
Mais, encore aujourd’hui, c’est le remix de Simon Bookish, dont j’avais remarqué l’album Everything/Everything deux ans auparavant, qui provoque des réactions incontrôlables qui m’empêchent une écoute en public.
Cette version se trouve en face B du single “Lewis Takes Off His Shirt”. La première fois que je l’ai écoutée, j’ai eu la sensation que l’espace se distendait et rétrécissait par intermittence grâce à une multitude d’effets de distorsion sur la voix, la flûte et les cordes. Et mon corps a eu immédiatement envie de répondre à tout ce délire.

4 – Un morceau à suspense survolté
Avertissement : Pour profiter pleinement de Keep the Dog Quiet, je vous conseille de l’écouter à un volume élevé et c’est encore mieux avec un casque.
Le morceau commence immédiatement avec un pizzicato qui apporte une tension qui donne une sensation de suspense.
“Il va se passer quelque chose.”
Un crescendo dure plus de deux minutes avec la douce voix d’Owen Pallett en opposition avec la musique. Commencent à s’ajouter des effets sur la voix, certes discrets mais qu’une oreille attentive remarque.
“Oui, il va se passer quelque chose”.
À 2:32 alors que les cordes ont développé leurs accords annonçant la tempête, Owen Pallett répète le mot “sequential”. C’est alors que le morceau s’emballe, part en vrille avec des bribes de voix distordues. Et puis, il y a cette flûte et ces cordes, qui me font penser à un Michael Nyman survolté.
D’ailleurs, j’ai tout de suite pensé au morceau And Do They Do Song IV dont j’avais entendu une version lors d’un concert du Michael Nyman Band. Cette version était complètement folle avec les partitions qui volaient dans tous les sens et les cordes des instruments qui cassaient au fur et à mesure que le morceau avançait.
5 – Un (deux) moment(s) de folie magique
À ce moment-là, premier moment magique où j’ai envie de suivre les mouvements provoqués par toutes ces distorsions, d’aller d’un côté, de l’autre, de hausser mon épaule, de tourner la tête, de la lever, de la baisser, de cligner des yeux, de faire une grimace. Et puis, j’ai la chair de poule. Quelqu’un, qui m’observerait en train d’écouter ce morceau au casque, pourrait se poser des questions sur mon état. Parfois j’imagine même une écoute collective et la folie passagère qu’elle entraînerait.
Même s’il y a un petit moment de fausse accalmie, ce morceau me tient en haleine jusqu’à la fin avec un point culminant, un deuxième moment magique, situé à 4:13. Owen Pallett ressasse toujours “sequential” jusqu’à être emporté à 4:37 par les cordes et la flûte.
Et mon corps repart de plus belle, souvent avec un petit fou rire. Je me dis que ce morceau serait parfait pour The Battle of the Century de Laurel et Hardy.
Le morceau s’apaise enfin mais je m’empresse de le remettre au début en augmentant le volume.
Si je l’écoute dans le jardin, je me surprends à sautiller, à danser, à rire, les oiseaux chantant tout autour. Cela libère en moi une joie et une bonne humeur incommensurables.
C’est là que l’expérience du “moment magique” prend tout son sens et cela fait plus de quinze ans que cela me provoque les mêmes effets.
Je crois que seule l’expérience vous permettra de comprendre. Alors, si vous avez un petit coup de mou, laissez-vous emporter par cette frénésie salvatrice à l’écoute de ce morceau vraiment magique.