Bhagheera’s Vision de Jocelyn Pook est le morceau qui m’a donné envie d’écrire sur les Moments Magiques.
J’ai connu Jocelyn Pook en 2001 avec son album Untold Things, petit ovni dans la collection de RealWorld.
A l’époque, Wax magazine avait bien décrit ce disque :
“Untold Things est l’un de ces albums dont les influences du Moyen-Orient et du monde antique s’entrelacent majestueusement avec des ambiances classiques et contemporaines, et dans son ensemble, font de cette musique intemporelle un rêve.”
Jocelyn Pook avait fait partie des cordes de The Communards mais aussi travaillé avec PJ Harvey, Paul Weller, Morrissey, Nick Cave et Siouxsie Sioux.
Je m’étais intéressé à elle car j’avais lu qu’elle avait fait partie du Michael Nyman Band dont je suis grand admirateur et dont je vous parlerai dans les Moments Magiques.
Untold Things a été son dernier album en tant que tel car après sa participation au film de Stanley Kubrick Eyes Wide Shut, elle s’est consacrée uniquement à la composition de musiques pour des films, œuvres de théâtre ou chorégraphiques.
J’ai immédiatement été fasciné par sa musique. D’abord à cause de cette mélancolie qui est sa marque et de sa collaboration avec des chanteurs classiques mais aussi Iraniens, Indiens, Macédoniens, Arabes dont Natacha Atlas, Sushma Soma, Tanja Tzarovska, Melanie Pappenheim.
Sa particularité est de mélanger tous ces styles de chants, chants enregistrés et samples, dans un même morceau. J’ai tout de suite pensé à Holger Czukay (encore un Moment Magique à venir), qu’elle cite comme inspiration. Les titres Ave Maria et Hallelujah sont des bonnes illustrations de ces mélanges.
Les influences de Philip Glass et Michael Nyman m’ont tout de suite séduit. Elle évoque aussi des influences de Laurie Anderson et Steve Reich.
Même dans ses compositions les plus mélancoliques, je trouve qu’elle ne tombe jamais dans la mièvrerie.
Toutes ces années, j’ai suivi son travail de loin mais j’ai raté pas mal de sorties car je trouvais, à tort, que sa musique était trop linéaire. Je me suis rattrapé depuis, car sa musique m’a accompagné pendant presque toute cette année 2023.
C’est avec The Jungle Book Reimagined que je me suis replongé dans son oeuvre. Cette musique lui a été commandée par le chorégraphe Akram Khan. C’est leur deuxième collaboration. La première fut Desh en 2012. Je suis passé complètement à côté, à l’époque. Pourtant, c’est une très belle œuvre.
Cette œuvre parle de : “La profonde menace que l’humanité fait peser sur la nature est ancrée dans les racines du Livre de la Jungle. Khan et son équipe réimaginent le voyage de Mowgli à travers les yeux d’un réfugié pris dans un monde dévasté par l’impact du changement climatique.”
J’ai été complètement happé dès la première écoute. L’album tout entier pourrait figurer dans les Moments Magiques car j’ai envie de l’écouter à nouveau dès que le dernier morceau se termine. Je me dis que cela aurait pu être le genre d’album que Dead Can Dance n’est plus capable de faire.
The Jungle Book Reimagined (lien Bandcamp) figurera sûrement en première place de mon top albums de l’année 2023.
Bhagheera’s Vision est vraiment le morceau type Moment Magique. Et c’est lui qui m’a donné envie d’écrire ce blog et de partager avec vous.
Ce moment, dans le morceau, se trouve tout à la fin et de manière vraiment furtive. Allez-vous capter ces quelques secondes ?
En écoutant ce morceau, j’entends tout le désespoir de Bhagheera devant l’inexorable destruction de la nature par les hommes. Et à partir de de 3:19, j’écoute cette rage impuissante d’être emportée dans cette spirale infernale. L’influence de Philip Glass est très présente à ce moment là, avec ce trémolo de flûtes.
C’est, chaque fois, trop furtif et je dois remettre le morceau encore et encore. Cet été, dans la campagne aux alentours, arbres, animaux, humains ont entendu cette exaspération de Bhagheera maintes et maintes fois 🙂
Comme je l’ai écrit plus haut, je pourrais présenter pratiquement tous les morceaux de l’album dans cette rubrique. Le morceau avec des extraits d’interventions de Greta Thunberg est tragique. Je vous conseille aussi The Hunter’s Lair ou Lament, merveilleux mais déchirants.
Ce n’est pas un disque à écouter avec une oreille distraite.
