Moment Magique : Chico Buarque – Construção – 1971 

Découverte tardive, Construção de Chico Buarque est entrée dans le panthéon de mes chansons favorites, un moment magique de bout en bout.

Comme beaucoup, j’ai connu la musique brésilienne et la bossa nova avec le disque Getz/Gilberto de Stan Getz, Joao Gilberto et Antonio Carlos Jobim.

Pour l’avoir trop entendue, je n’ai pas pu écouter cette musique pendant de longues années.

1 – Redécouverte

C’est le fantastique Rodrigo Amarante qui m’a donné envie de m’y replonger, lorsque j’ai redécouvert son album Cavalo. Je vous conseille d’y jeter une oreille ainsi que sur l’album suivant, Drama.

J’ai donc commencé à surfer en axant mes recherches sur la musique brésilienne contemporaine. Par hasard, je suis tombé sur plusieurs sites qui listaient les meilleurs albums et singles de ce l’on appelle la MBP, Musique Populaire Brésilienne.

Cela m’a permis de découvrir de pures merveilles, notamment avec des œuvres de Antonio Carlos Jobim, Vinicius de Moræs, Tom Jobim, Jorge ben, Caetano Veloso et enfin, Chico Buarque.

Le disque de Chico Buarque, Construção, arrivait systématiquement dans les première places des classements. Sa chanson titre était même présentée comme une des plus belles chansons brésiliennes de tous les temps !

2 – Construção, chef d’œuvre tragique, poétique et politique

Ceux qui connaissent bien son œuvre pensent que Construção est un véritable tournant artistique dans la carrière de Chico Buarque où il s’affranchit un peu de la bossa nova.. C’est un album politique et poétique, avec une mélancolie qui pourrait tout à fait illustrer cette fameuse saudade.

Les arrangements sont incroyables avec une grande richesse instrumentale.

Je ne pensais pas que la première écoute de ce morceau allait être un des plus grands chocs musicaux de ma vie. Non, je n’exagère pas !

C’est d’une oreille distraite que j’ai commencé à écouter l’album. Pourtant, dès le premier titre, j’ai été obligé de lui prêter toute mon attention.

Et puis, la chanson titre est arrivée. Mais quelle claque !

Construçao, c’est l’histoire d’un maçon. Il est parti travailler le matin en disant au revoir à son épouse et ses enfants. Et il part vers son destin.

Un chef d’œuvre qui raconte un fait-divers trois fois tout, en étant différent, comme si le narrateur changeait d’angle de vue. Le drame est illustré par la musique dont l’intensité progresse inexorablement et dévoile sa violence et son extrême tristesse au fur et à mesure des différentes écoutes.

Voici les premiers vers:

Amou daquela vez como se fosse a última
Beijou sua mulher como se fosse a última
E cada filho seu como se fosse o único
E atravessou a rua com seu passo tímido

Il chérit ce moment comme si c’était le dernier
lI embrassa sa femme comme une dernière fois
Et chacun de ses enfants comme s’il était unique
Et traversa la rue de son pas timide

3 – Construção, morceau de bravoure

Construçao est un morceau difficile à décrire car il est foisonnant.

Il commence comme une bossa nova avec une mélodie très forte, emplie d’une tristesse infinie. Vers 1:30 arrivent les cordes, discrètes. Á partir de 1:56, les cuivres entrent dans la danse, la douce voix de Chico Buarque se dédouble et la chanson prend une autre dimension. Elle se développe un peu comme le Boléro de Ravel. Á 4:40, elle arrive à son point culminant avec ses trémolos de flûtes, les cuivres fracassants, les cordes somptueuses… à donner le vertige !

Ismail Darbar saurait-il écouté Construçao ? Car il y dans Dola Dola Re, composé pour le film Devdas, cette même progression, cette utilisation des cuivres pour exprimer la violence et le désespoir.

Comme Dola Dola Re, c’est une chanson d’une telle tristesse et d’une telle cruauté, même si cela ne raconte pas du tout la même histoire.

Si vous voulez savourer Construção, posez-vous 6 minutes et montez le son. C’est une expérience incroyable, un moment magique unique.

Vous pouvez, si vous voulez explorer son texte poignant, écouter la chanson sur YouTube, avec cette version sous titrée.

J’ai préparé une petite playlist Autour de Construção que j’enrichirai au fur et à mesure des mes découvertes. Elle contient une version en espagnol.

En écrivant cet article, je me suis plongé dans l’œuvre de Chico Buarque.

Quelle richesse et diversité !