Être de Montauban – Revue de presse
Voici une petite revue de presse de ce que que nous avons pu lire, en 1949, concernant le scandale de Montauban.
Cette article est complémentaire de l’article Être de Montauban – Un scandale vu par la presse
1 – Ce que j’ai trouvé aux Archives du Tarn-et-Garonne
J’ai trouvé, en majorité, des articles de la Dépêche du Midi, édition du Tarn-et-Garonne. Il y a aussi un article édifiant du Réveil du Tarn-et-Garonne.
Lorsque je suis allé aux archives du Tarn-et-Garonne, j’ai récupéré un premier article qui est un entrefilet dans l’édition du 5 mars. Je pense qu’il y a eu des articles lors des éditions des jours précédents, mais elles étaient manquantes dans le dossier. Le dernier article sera publié le 19 avril, lors du verdict du jugement qui a eu lieu à huis-clos.
Pour ce qui est de la presse nationale, je n’ai pas trouvé grand-chose, si ce n’est de tout petits articles de L’Intransigeant et de L’Aurore

2 – La revue de presse
Important : Tous les noms des prévenus ont été remplacés par des initiales, même s’ils étaient écrits en toutes lettres dans les articles.
Sommaire
Presse Locale
La Dépêche du Midi – 5 mars 1949
FAITS DIVERS
Deux nouvelles arrestations dans l’affaire de mœurs
L’enquête poursuivie sur l’affaire de mœurs actuellement en cours, qui s’était soldée mardi dernier par l’arrestation de quatre individus connus pour les relations homosexuelles, a rebondi dans la journée d’hier. Deux autres inculpés. L. L., 29 ans, valet de chambre, actuellement domicilié,XX à Toulouse, et A. P., 31 ans. magasinier, habitant également à Toulouse, ont été conduits à Montauban aux fins d’interrogatoire. Ils ont reconnu les faits qui leur étaient reprochés et, après avoir été au parquet, ont été écroués hier soir à la maison d’arrêt de « Beau-Soleil ».
Le service des mœurs, qui a interrogé plusieurs autres personnes, poursuit activement son enquête.

La Dépêche du Midi – 7 mars 1949
“Les «amitiés particulières»1
Neuf arrestations et un suicide dans l’affaire de Montauban.
Depuis plusieurs années, semble-t-il, un vent de débauche soufflait sur la cité d’Ingres qui, sous un aspect austère, cachait en réalité les plus coupables amours.
Des individus du troisième sexe se livraient à des pratiques immorales, souvent en compagnie de mineurs. Et les révélations de l’enquête sitôt connues et propagées, de bouche à oreilles, ont provoqué, cette semaine, une véritable panique à Montauban.
En tout état de cause, il y a une quinzaine de jours, la brigade des recherches de la gendarmerie, après une rapide enquête, mettait en état d’arrestation Y.J. ancien résistant, bien connu dans certains milieux artistiques. C’est par une cause toute fortuite que les enquêteurs avaient connu la pratique des relations homosexuelles reprochées à cet individu. Cette affaire, laissée en sommeil, semblait terminée mais la plainte d’un père de famille devait permettre à la Brigade des mœurs de la P. J. de déclencher la vaste opération actuellement en cours.”
Comme nous l’avions signalé en chronique régionale, une nouvelle enquête devait aboutir, lundi dernier, à l’arrestation de quatre individus : ce fut tout d’abord le nommé R.G., 22ans, sans profession, 59 rue XX qui, après s’en être défendu, a reconnu avoir entretenu avec un garçon de 15 ans des relations contre nature. Lui-même avait été initié à ces pratiques par un certain J.L., 40 ans, manœuvre, chemin XX, qui s’est rendu coupable d’agissements graves sur la personne de plusieurs mineurs. Les déclarations de ce dernier ont permis aux enquêteurs d’entendre les nommés R.R., 37 ans, pâtissier, rue XX, qui entretenait, lui aussi, des relations avec des mineurs de moins de 18 ans et le nommé P.D., 28 ans, agent général d’assurances, 50 boulevard XX, a été également appréhendé.
Un cinquième individu, le nomme A.A., 40 ans, artiste lyrique, 55 ans, Faubourg XX a dû être envoyé, après son audition à l’hôpital ou il a été admis en raison de son état physique.
Et de neuf !
Nouvelles arrestations vendredi soir : Après Interrogatoire, deux autres inculpés, L.L. 29 ans, valet de chambre, actuellement domicilié, 6, rue XX à Toulouse, précédemment employé à l’hôtel XX, à Montauban, et de A.P., 31 ans, magasinier, habitant également à Toulouse, boulevard XX et primitivement domicilié à Montauban. Ceux-ci ont avoué, à leur tour, avoir eu des relations coupables avec des mineurs de leur sexe. Hier soir, en dernière heure, on apprenait une neuvième inculpation : celle du nommé R.C.. 40 ans, infirmier à l’hôpital de Montauban.
SUICIDE
Mais un nouvel et tragique épisode devait encore marquer cette fin de semaine. Hier, dimanche, un des individus du « troisième sexe », Interrogé à plusieurs reprises par les services de police, et nommé G.G., âgé de 60 ans, qui avait été admis au « service ouvert » à l’hôpital, s’est jeté, vers 11h30, quai Montmurat, à hauteur du café du Quai, d’une hauteur d’une douzaine de mètres. II est tombe, la tête la première, sur la rampe qui descend à cet endroit vers les berges du Tarn et a été tué sur le coup.
Cette nouvelle. sitôt connue à Montauban a produit une vive sensation. Mais les enquêteurs observent à son sujet la plus grande discrétion et l’on se perd en conjectures sur les raisons qui ont pu motiver le geste de ce malheureux.
Il reste établi cependant que Groc avait été appelé à déposer a diverses occasions devant les inspecteurs et qu’il avait mis certains noms en avant. Ses relations avec plusieurs individus impliqués dans cette affaire sont d’autre part notoires. H. DUFOR
La Dépêche du Midi – 8 mars 1949
Une dixième arrestation sensationnelle à Montauban
M. J.C. Deuxième adjoint au maire
“Après Tours, avec dix-neuf invertis2, La Rochelle et ses quatorze inculpés, la cité d’Ingres aura donc le privilège de compter parmi les villes de France en proie à l’amour interdit.
Le premier bilan d’une semaine d’enquête se solde par neuf arrestations d’invertis et un suicide. Après ce dénouement que nul n’aurait pu prévoir, l’affaire n’est point pour autant parvenue, semble-t-il, à son terme.”
Il était réservé aux enquêteurs de connaitre un nouvel épisode particulièrement pénible.
En effet, toute la journée d’hier, les interrogatoires se sont poursuivis sans relâche, tant au parquet qu’à la brigade des mœurs et un rebondissement sensationnel de l’affaire, eu égard aux déclarations de certains inculpés, était à prévoir. Il s’est produit à 20 heures dans le cabinet du magistrat instructeur.J. C., 59 ans, pharmacien, …, membre du comité directeur d’un parti politique et deuxième adjoint au maire de Montauban, était mis en état d’arrestation. Connue tard dans la soirée à Montauban, cette nouvelle a mis l’émotion à son comble. C’est après une confrontation pathétique avec divers inculpés et témoins qui ont défilé tout l’après-midi devant le juge d’instruction, M. Escouboue, que J. C. était amené à reconnaître les faits qui lui étaient reprochés et qui ont été commis en particulier sur la personne d’un mineur. Les faits, d’abord niés par le prévenu, ne remonteraient pas cependant à une date très éloignée, encore qu’il y ait également contestation sur ce point.
A 20 h15, l’inculpé était placé sous mandat d’arrêt et écroué à la prison de Beausoleil.
La Dépêche du Midi – Edition du 14 mars (Page Moissac) :
Le scandale de Montauban rebondit à Moissac – Douzième et treizième arrestations
“Il y 8 jours, le drame de l’arrestation du deuxième adjoint au maire M.R.P. et la tragédie du quai Montmurat (le suicide de G.G.) portaient à son comble l’émotion provoquée par l’affaire de mœurs de Montauban. Venait s’ajouter une onzième arrestation. Pour la première fois, celle d’un Tarn-et-Garonnais, C.J., 25 ans, n’habitant pas à Montauban, comptable à Loubéjac.
Mais, depuis hier, c’était à la capitale du chasselas à son tour d’occuper la vedette.
Deux individus : A.L, 40 ans sans profession et J.S., expéditeur en fruits, faubourg Sainte-Blanche, tous deux à Moissac, ont été déférés et écroués, hier au soir, à la prison d’arrêt de Montauban. Le scandale, désormais Tarn et Garonnais, va-t-il prendre fin ? Pourtant, à Montauban, la police n’en a peut être pas terminé et Castelsarrasin a peur.“
L’Éveil du Tarn-et-Garonne – Edition du 19 mars
Leçon d’un scandale
L’article de Marcel Guerret méritait d’être publié dans son intégralité. Vous le trouverez ici
Dépêche du Midi – Edition du 2 et 3 avril
Epilogue en correctionnelle de l’affaire de mœurs.
Huit mois de prison au premier des douze inculpés
“La triste affaire d’homosexualité qui, il y a plusieurs semaines, défraya la chronique et dont le premier inculpé fut un personnage assez connu dans certains milieux de Montauban, a été évoquée hier à huis clos devant le tribunal au cours de son audience correctionnelle.
Il s’agit du nommé Y. J., 40 ans, comptable, accusé d’actes contre nature envers plusieurs jeunes gens de notre ville.
Les faits, qui remontent à 1946, prouvent, de surabondante façon, l’attitude coupable du prévenu. Il résulte, en effet, des débats que, depuis cette époque, Y. J. entretint des relations d’un genre spécial avec plusieurs jeunes garçons, parmi lesquels les nommés A. B., R. B. et G.M. sont venus déposer à la barre.
Il est juste de reconnaitre, toutefois, que le comportement de deux de ces jeunes gens après leur déposition, ne plaidait guère en leur faveur et qu’ils ne semblaient pas paraitre affectés autrement de leur… mésaventure“
Dépêche du Midi – Edition du 2 et 3 avril (page Moissac)
L’affaire de mœurs de Montauban devant le tribunal correctionnel
Deux autres inculpés sont condamnés à la prison
“Hier vendredi, ont comparu devant le tribunal correctionnel de Montauban, les nommés A. L., 29 ans et J. S., 55 ans, ce dernier, expéditeur de fruits, tous deux de Moissac. Ces deux individus étaient inculpés d’actes contre nature sur la personne d’un jeune homme âgé aujourd’hui de 19 ans.
C’est ce qui ressort de l’audition de l’intéressé, lui-même, et d’un autre témoin. Il convient toutefois de retenir de la déposition du mineur dont il s’agit, qu’il était déjà depuis longtemps initié à ces pratiques. Il s’agit en effet d’un jeune dépravé.
Les faits sont reconnus par les intéressés qui, malgré un réquisitoire modéré et l’intervention éloquente de leurs avocats, sont condamnés: A. L., à 6 mois de prison et J. S., à 4 mois de la même peine.
Les associations familiales du département, partie civile, obtiennent, par l’organe de Me Berchaud, une somme de 2.000 francs, a titre d’indemnités.“
Dépêche du Midi – Edition du 4 avril
L’après-midi en correctionnelle – Audience du 1er avril
“LES ANORMAUX”
Le tribunal aborde, enfin, l’affaire de mœurs concernant le nommé Y. J. dont nos lecteurs ont pu lire, dans notre numéro de samedi, les détails essentiels.
Cette affaire, qui n’est qu’un prélude à celle qui sera appelée sous peu devant ce même tribunal, a ceci d’affligeant qu’elle révèle un état d’esprit dont, le moins qu’on puisse dire, est qu’il procède d’un manque absolue de grandeur morale et dignité. Si, comme on voudrait l’espérer, les intéressés faisaient montre de quelque repentir de leur dépravation, on pourrait, a la rigueur, tenir compte de leur faiblesse et, sans les excuser pleinement, consentir en leur faveur un geste de pitié. Il est malheureusement à craindre qu’il n’en sera pas ainsi; l’inconséquence de l’inverti n’ayant d’égale que cette absence de pudeur qui le caractérise et le classe, bien malgré lui, dans un monde superficiel ou la morale n’a rien à voir, pas plus que la propreté.”
Dépêche du Midi – Edition du 11 avril
Le chapitre des invertis
“Nous avons rendu compte, dans notre rubrique départementale de samedi dernier, des faits reprochés aux sieurs L., 39 ans, et S., 55 ans, demeurant à Moissac. Ces faits, le tribunal les a sanctionnés avec la sévérité qui leur était due, puisque les peines de six et quatre mois de prison, qui ont été prononcées contre eux. Elles constituent en quelque sorte un désaveu indiscutable de leur conduite. Ce que, d’ailleurs, personne ne songe a contester.“
Dépêche du Midi – Edition du 16 avril
Tribunal Correctionnel
Deux affaires ont eu leur épilogue devant le tribunal correctionnel
Dans l’affaire d’homosexuels, un détenu faisait la grève de la faim dépuis 22 jours
Le tribunal, après avoir entendu les explications des inculpés de l’affaire qui a soulevé une assez grosse émotion dans notre ville, a rendu les arrêts suivants :
J.L., portugais, 40 ans, manœuvre à Montauban, est condamné a six mois de prison et 6.000 francs d’amende; R.G., minotier, à trois mois de prison; P.D., à quatre mois de prison et 6.000 francs d’amende; J.C, 59 ans, pharmacien, quatre mois de prison et 10.000 francs d’amende; R.R., pâtissier, à trois mois de prison et 1.000 francs d’amende; A.P., magasinier, trois mois de prison; R.C., infirmier, à trois mois de prison.
Le nommé A., qui faisait la grève de la faim depuis 22 jours, est relaxé.
En ce qui concerne le dernier inculpé, M. L.L., dont les faits qui lui sont reprochés ont entrainé l’abandon de l’accusation par le ministère public, est acquitté.
Dans ces deux affaires, l’association des familles nombreuses du département obtient 2.000 francs de dommages et intérêts.
Dépêche du Midi – Edition du 19 avril
Avorteuse, avortées et homosexuels se trouvent assis sur le même banc
“Après le beau sexe (?), le sexe dit “laid”. Ici, non plus, nous ne nous étendrons pas davantage. Le huit clos et ses mystères… Les faits sont connus et… reconnus par la plupart des intéressés – sauf un qui, d’ailleurs, en manière de protestation, a fait une grève de la faim qui a duré pendant 22 jours. Les débats, rondement menés, n’ont donc rien révélé que nous ne sachions déjà.
Cette affaire nous aura du moins permis d’entendre un réquisitoire et des plaidoiries où la jurisprudence voisinait de façon fort agréable avec la littérature, voire même avec l’histoire, ce qui en fin de compte, pour être inattendu, n’en fut que plus agréable à certains auditeurs”
Presse nationale
Presse nationale
L’Intransigeant – Edition du 3 mars
Le jeunes garçons étaient très courus à Montauban
“A la suite d’une plainte déposée par un père de famille de Montauban, l’enquête a établi que R.G. 22 ans, J.L. 40 ans, R.R. 37 ans et P.D. entretenaient depuis plusieurs années des relations spéciales avec de jeunes garçons d’une quinzaine d’années.
L’un de ces derniers a déclaré aux enquêteurs que c’est dans l’école, où se il trouvait, qu’il a été initié à de telles pratiques. Il aurait mis en cause un de ses professeurs.
R.G, J.L., R.R. et P.D. ont été écroués. On s’attend à d’autres arrestations.“
L’aurore – Edition du 3 mars
Les quatre vilains messieurs de Montauban et les quatorze de La Rochelle
L’article reprend le même texte que celui de l’intransigeant du 3 mars
- Le titre de l’article fait référence au roman Les Amitiés Particulières de Roger Peyrefitte, publié en 1943, Prix Renaudot 1944. ↩︎
- Inver ↩︎