Ecrire malgré tout

Mon ordinateur s’est arrêté de fonctionner dans la semaine du 6 octobre et depuis, je n’ai pas réussi à me remettre à écrire.

Alors, continuer à écrire malgré tout, affronter la noirceur et avoir le courage de son écriture ?

Lorsque j’ai décidé de commencer le blog Sans Filtre, c’était avec une idée de partage joyeux en essayant de garder une certaine légèreté.

Mais il est difficile de ne pas se laisser emporter par le chaos du monde, il est difficile de ne pas sombrer.

Aussi, même si j’ai récupéré mon ordinateur, un silence s’est imposé, que j’ai du mal à rompre.

Mon désir d’écrire n’a jamais été aussi fort mais une pudeur m’a envahi suite aux horreurs du 7 octobre et de celles que nous connaissons encore aujourd’hui.

Depuis que nous avons quitté Paris, nous avons été épargnés par la plupart des épreuves que beaucoup de nos amis ont vécues.

Malgré la chance que nous avons de vivre en plein milieu de la nature, de plus en plus en accord avec nos aspirations éco-responsable et loin de l’agitation (je reviendrai sur ce terme lors d’un autre article), je ne peux pas me sentir léger et parfois, il y a comme une chape de plomb qui noircit ma journée.

Ce sont des choses de la vie. Il y a notre famille et l’inquiétude de voir vieillir ceux que nous aimons. Il y a eu les amis partis, les amis malades, les amis perdus. Même si nous l’adorons, notre refuge montagnard connaît de nombreux problèmes techniques imprévus. Cela nous apporte pas mal de stress et des interrogations quant à notre avenir dans ce lieu. Il y a aussi notre arrivée dans la catégorie senior (je fête mes 60 ans en janvier) et tous les petits bobos qui en résultent. Et puis nos trois chiens qui ne sont pas éternels…

Et surtout, il y a ce monde en folie. Cela a commencé à me toucher profondément avec l’attentat contre Charlie Hebdo et ensuite, ce soir abominable de novembre 2015 où Paris a été envahi par une violence barbare. Ensuite l’épidémie est arrivée avec tous les bouleversements et drames que cela a apportés. Il y a cette inquiétude devant ces sècheresses à répétition et ce changement climatique qui s’accélère, cet effondrement de la faune et la flore dont notre société libérale et égoïste n’a que faire. Je ne peux m’empêcher d’être épouvanté face à cette extrême droite qui étend son emprise comme une moisissure incontrôlable. Et quelle impuissance devant cette instabilité belliqueuse qui semble se propager partout, à toute vitesse !

Et puis il y a cette colère qui m’envahit, parfois, pour des sujets de société qui me tiennent à coeur.

J’essaie de canaliser cette colère au maximum car elle n’apporte aucune solution. C’est pour cette raison que j’ai arrêté de commenter sur les réseaux sociaux.

Mais ce qui s’est passé le 7 octobre et les évènements qui ont suivi, m’ont particulièrement bouleversé.

L’attaque du Hamas avait pour but de répandre l’horreur en s’attaquant à des symboles, massacrer des jeunes dans une fête, des familles dans des communautés, pour les plus marquants. Le Hamas voulait exprimer sa haine des juifs, sa détestation de la vie, démontrer qu’il est prêt à tout et capable de frapper quand bon lui semble. Je crois aussi qu’il voulait choquer pour provoquer cette riposte de la part du Likoud car il savait que sa démesure provoquerait des réactions de toutes parts. Je soupçonne d’ailleurs que le Likoud a profité de cette opportunité pour lancer et justifier cette offensive désastreuse à Gaza. Les deux se nourrissent et se stimulent mutuellement.

La riposte a été immédiate et extrême : Semer la mort en réponse à la mort semée, appliquer la loi du Talion, entrer dans une spirale infernale dont on ne voit pas la fin.

Les horreurs du 7 octobre et leurs conséquences sont dramatiques, mais je me refuse à minimiser un tragédie par rapport à l’autre. Ce que je retiens, c’est que beaucoup d’innocents sont morts et que, encore une fois, c’est le peuple, les femmes et les enfants (Israélien et Palestinien) qui paient un lourd tribut.

Deux gouvernements fascistes s’affrontent, mentent, manipulent, sacrifient, sans se soucier le moins du monde de ceux qui en subissent les conséquences. Les morts des deux camps sont les victimes de ces monstres qui restent bien planqués dans leurs palais. Tous ces massacres sont abominables et doivent être condamnés.

Et chaque fois que j’imagine les derniers instants des victimes des deux camps, un grand désespoir me submerge et m’écrase.

Je suis aussi atterré par ce que nous voyons et lisons depuis plus d’un mois, mélange d’absurdités, de manipulations, de raccourcis, de précipitation, d’ignorance, d’énormités, de provocations, d’indécence.

Je suis convaincu que l’émotion est l’amie des manipulateurs et qu’elle a bien joué son rôle. Elle empêche toute réflexion, raison et attise la fureur. Les réseaux sociaux, eux, sont des loupes de l’immodération et ils ont fonctionné à pleine puissance.

Chacun s’est précipité pour donner son avis avant l’autre et souvent avec beaucoup de maladresse. L’expression “tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler” a vraiment pris tout son sens car toute cette surenchère de prises de paroles a eu des conséquences désastreuses.

Il a eu ces batailles sémantiques sur les termes terroriste, antisémite. Utiliser ces mots, à tort et à travers, enlève toute leur force et les vide de leur sens. Tous ces amalgames ont permis à l’extrême droite, antisémite de nature, de se déclarer bouclier contre l’antisémitisme, incroyable non ? Le racisme anti arabe est tellement fort, que la plupart ont préféré oublier les racines de ce mouvement. Cela fait des années que le bloc bourgeois et libéral essaie donner une respectabilité au Rassemblement National, c’est chose faite.

Certains ont décidé que l’attaque du Hamas du 7 octobre est la faute de tous les musulmans du monde entier et d’autres ont décidé que la riposte du Likoud et de Tsahal est la faute de tous les juifs du monde entier. Certains, encore, disent que les massacres du 7 octobre sont la faute des Israéliens et que la riposte ultra violente est la faute des Palestiniens. Au lieu de penser à un moyen d’arriver vers la paix, un courant de haine se déverse actuellement et c’est effroyable.

Des manifestations pour demander le cesser le feu à Gaza ont eu lieu et je trouve légitime et urgent que ce cesser le feu soit exigé. Mais lorsque ces manifestations accueillent des personnes qui soutiennent le Hamas, cela brouille le message. De même lorsque des messages antisémites sont exprimés. C’est inadmissible.

D’autres manifestations ont eu lieu en France pour lutter contre l’antisémitisme et je trouve cette lutte importante. Mais les personnes, qui ont organisé une marche unitaire, devaient-elles accueillir, à bras ouverts, un parti créé par des antisémites? Ou était-ce une grosse manipulation, un piège pour la gauche ? Lorsque je vois qui a organisé cette marche, je n’y vois qu’un calcul politique et pervers.

Pour ma part, je ne ne pourrais pas participer à une manifestation où participeraient des soutiens d’un parti islamiste extrême, ni participer à une manifestation où participeraient l’extrême droite. Il ne faut surtout pas oublier que ces deux extrêmes sont fascistes, misogynes, homophobes, racistes, anti-humanistes, cupides et contre le peuple.

Je pourrais continuer cette liste de ce qui attise mon malaise, mais je vais m’arrêter là pour apaiser mes pensées.

Alors, écrire malgré tout ce malheur et cette absurdité mortifère ? C’est ce que je me demande depuis plus d’un mois. Mais comme me l’a si bien dit mon amie Sophie , il ne faut pas se laisser enfermer dans ce chaos.

Oui, l’écriture et la musique pour se tenir loin du désespoir.