Parfois, il suffit d’une fosse pour retrouver sa tranquillité…
Comme je vous le racontais dans La poursuite, nos cousins étaient souvent chez nous. En effet, une partie de notre famille était persuadée que, parce que ma grand-mère vivait en partie avec nous et que nous avions un grand jardin, mes parents leurs étaient redevables.
De ce fait, nous devions accueillir mes cousins lors de certaines vacances, une sorte de garderie à l’oeil. Et je vous avoue que cela m’était assez pénible.
C’est grâce à une petite, mais assez drôle, mésaventure que nous avons retrouvé notre tranquillité !
Mais pour commencer, je ne peux pas vous raconter tout cela sans, tout d’abord, vous parler de Tonton Loulou, Luis.
Luis était un cousin de ma mère. Il avait fui l’Espagne pendant la guerre civile. Ayant laissé toute sa famille, ses amis, jamais il n’y revint. Et d’après ce que j’avais compris, il avait coupé les ponts avec tout le monde. Nous n’avons jamais vraiment su les raisons de cette rupture.
Beaucoup de familles se sont déchirées lorsque les franquistes sont arrivés. Car, même sans réseaux sociaux, beaucoup de gens du peuple ont cru que Franco serait leur sauveur.

Cette photo, représente mes grands-parents, ma mère, mon oncle et ma tante avec Luis. Ils avaient fait prendre cette photo en vue d’un départ au Etats-Unis ou au Mexique. Encore une histoire à vous raconter.
Par chance, Il avait retrouvé mon grand-père dans un camp de réfugiés. Il faisait partie de la famille, je le considérais comme mon oncle. Ayant trouvé un travail dans une imprimerie à Bordeaux, il revenait toujours pour toutes les fêtes.
Bien qu’étant une énigme, cet homme a été très important dans ma vie. D’abord par sa présence toujours bienveillante et sensible, et puis parce qu’il m’a initié à la musique. En effet, je l’ai déjà raconté, c’est lui qui m’a offert mes premiers disques “sérieux” alors que je devais avoir 11 ans.
Il est indéniable que nous étions, avec ma soeur, ses neveux préférés. D’ailleurs, Pâques en était toujours la preuve. Respectant une tradition Aragonaise et Catalane, il avait l’habitude d’acheter, dans une des meilleures pâtisseries de la ville, des œufs en chocolat pour tous les enfants de la famille. Lorsqu’il arrivait avec son grand sac, je voyais que ceux qu’il avait choisis pour nous étaient bien plus gros.
Chaque fois que je vois un bel œuf de Pâques, je pense à lui.
Par ailleurs, il prenait tout le temps parti pour nous. Et je comprenais qu’il n’était pas plus enchanté que moi lorsque nos cousins venaient passer la journée.
Il est vrai que ma digression fut un peu longue. Pourtant, il me fallait présenter Tonton Loulou car il était présent lors d’une de ces journées de garderie. De toute évidence, il mérite un article plus complet dans ce blog.
Et maintenant, place à la fosse !
Cela doit être les vacances d’hiver, Loulou est venu quelques jours. Je sais que mes cousins vont venir passer la journée et je ne suis pas particulièrement impatient de les voir arriver. On ne peut pas dire que j’ai beaucoup de points communs avec eux. Je suis déjà assez fervent de lecture et j’adore rester tranquille avec un des nombreux livres que j’ai pris à la bibliothèque.
Mes cousins, eux, sont plutôt adeptes d’activités plus physiques, jeux de ballons etc. Cela ne me dit rien du tout !
Mais il y a surtout quelque chose qui me déplaît. Mon cousin, le plus âgé, a la fâcheuse habitude d’imaginer des farces cruelles envers son petit frère, un peu comme Léonce dans Les Bons Enfants de la Comtesse de Ségur. Et je dois dire que je déteste la fourberie car j’y ai été confronté au club de judo. Peut-être une autre histoire sur ce blog 🙂

« Il faut seulement brûler le bout de ses poils. »
Je crois me souvenir d’une de ses “farces” où il avait allumé un brûleur de la gazinière et fermé le capot. Il avait ensuite attendu que celui-ci soit bien chaud pour proposer à son frère de toucher. Ce dernier s’était empressé et s’était brûlé la main. Son grand frère avait bien ricané. Je vous rassure, la brûlure avait été superficielle, mais c’était assez tordu.
Bon, et cette fosse ? Voilà, voilà !
Mes parents ont construit leur maison dans le jardin arrière de la maison de ma grand-mère paternelle. Nous vivons dans une annexe de cette maison. Nous assistons à toutes les étapes de la construction.
A la période dont je parle, la maison est bien avancée. Une fosse septique vient d’être creusée dans le jardin, elle est bien profonde.
J’ai la réminiscence d’une période bien pluvieuse et froide. C’est pour cette raison qu’il nous a été recommandé de ne pas nous approcher des bords de la fosse car le terrain est très glissant.
Je respecte bien cet avertissement et ne m’approche pas car elle me fait penser à des oubliettes !
Malgré le froid, nous sortons tout de même dans le jardin. Loulou est dans les parages, dans la nouvelle maison entrain de bricoler.
Avant de sortir, il nous est rappelé que nous devons rester bien loin de la fosse.
En plein hiver, Il n’y a pas grand chose à faire dans le jardin. Pour ma part, il me tarde de retrouver mon livre.
Et tout d’un coup, je vois mon grand cousin qui va directement vers la fosse et tourne autour. Je comprends immédiatement quelle est son intention. Il appelle son frère car il veut lui montrer quelques chose tout au fond. Mais celui-ci n’en mène pas large. Peut-être a-t-il appris à se méfier ?
Mon cousin insiste, cajole, amadoue mais sans succès. Il s’approche petit à petit du bord, insiste, s’approche encore et glisse au fond de la fosse ! Bon, je ne pense pas avoir le mauvais œil mais…. Et j’avoue que cette chute me fait beaucoup rire !
Le prisonnier, lui, n’est vraiment pas content. La fosse est bien boueuse. Quel plaisir de le voir ainsi patauger !
Après quelques cris et pleurs de la part du mauvais joueur, Loulou arrive à la rescousse, hilare. Il a observé toute la scène du chantier. Il est évident qu’il a pris tout son temps pour venir au secours du plaisantin. Je remarque qu’il me lance un sourire en coin.
C’est sans hâte qu’il aide le farceur malchanceux à sortir de cette fosse, parce que c’est très glissant, mais je crois surtout, parce que la situation est assez savoureuse.Je me demande même si il n’exagère pas la difficulté.
Comme toujours, avec Loulou, il n’y a aucune réprimande. Il fait seulement comprendre au rescapé qu’il n’a eu que ce qu’il mérite. J’admire son calme et son ton pince-sans-rire. Le loustic est tout penaud mais je n’ai pas assez de miséricorde pour pouvoir le plaindre. En effet, son cadet a eu une petite revanche et cela été un beau spectacle !
Comme prévu, lorsque ma tante et mon oncle viennent chercher mes cousins, une discussion bien animée s’engage, une discussion d’adultes.
Je n’ai pas le droit d’y assister, mais j’imagine les étincelles provoquées par la joute entre ma grand-mère et ma tante, ce n’est pas la première. Il faut dire que l’antipathie, qu’elles éprouvent l’une envers l’autre, n’a jamais été un secret.
Pour conclure, je crois que Loulou et moi aurions pu danser une danse en honneur à la pluie et à la boue autour de cette fosse bénie. En effet, le service de garderie familial fut fermé après cet épisode. Alléluia !
Oui, Carmen Cru est une de mes héroïnes !